Vaera 5777
Il arrive dans certains conflits, que les antagonistes cherchent à prouver au camp adverse que la raison est de leur côté. Avoir raison ne suffit pas, il faut le démontrer aux autres. On pourrait penser à priori, que dans le débat opposant Moshé à Pharaon et ses sorciers, il en fût ainsi. Armés de leur ‘’bâton’’ respectif, chacun va tenter de prouver qu’il détient la puissance ultime. Mais que veut prouver Moshé ? Est-il nécessaire d’imposer à la face du monde l’étendue des pouvoirs d’Hashem ? Il apparait clairement que la volonté des égyptiens est justement de convaincre (eux même?) les hommes de leurs capacités. Leur comportement réactif dénote une motivation profonde d’afficher leur force. Eux aussi sont capables de faire comme Moshé. Mais le vrai débat se situe ailleurs !
Le peuple d’Israël vit un processus de délivrance. Après l’exil, nous allons vers la sortie d’Egypte qui nous conduira au don de la Thora puis en Erets Israël. Chaque action entreprise par Moshé nous permet de progresser dans cette voie. Il ne s’agit donc pas de prouver quoique ce soit mais au contraire de confirmer un phénomène imposé par HaShem à long terme.
Le danger d’une telle expérience serait de n’y voir que l’obtention au présent d’une attente ou d’un désir. On a souvent le sentiment d’aboutir en remportant ou en recevant ce que l’on désir. Ce sentiment certes gratifiant peut être le résultat d’une satisfaction éphémère. La valeur d’une chose n’est pas toujours liée à sa durée. Il arrive même que la durée dénature l’intensité d’une expérience. Si un plaisir dure trop, il se transforme et change du tout au tout. Dans le monde matériel, le côté ‘’fugace’’ définit souvent la qualité et le sens de ce que l’on vit.
C’est la réponse des magiciens de Pharaon. La Thora emploie le mot להטיהם pour désigner leur bâton. Ce terme signifie également la flamme. Celle qui anime la passion, qui stimule mais qui disparaît si rapidement. Ils se donnent en spectacle le temps de faire étalage de leur génie. Ils savent répondre à Moshé, mais leur programme s’arrête aussitôt. Un peu comme une personne incapable de résister à une provocation ou une proposition alléchante. Elle apparaît irrésistible le temps d’un instant. Elle est à ce moment une tentation, elle n’aurait peut être aucun sens dans un autre contexte.
Alors la Thora nous raconte la persévérance de Moshé, soutenu évidement par HaShem. Il ne s’agit pas d’un moment de gloire mais bien de changer les choses définitivement. Il nous apprend qu’être libre, consiste aussi à savoir inscrire les moments vécus dans un programme dont la durée n’apparait pas toujours clairement. L’émotion véritable est le résultat d’un aboutissement plutôt que l’intensité furtive d’une circonstance.
Shabbat shalom
Rav Yakov SITRUK