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L’histoire de la sortie d’Égypte touche à sa fin dans les parashiot que nous lisons. Les dix plaies continuent de s’abattre et la présence d’HaShem s’intensifie même aux yeux de ce peuple qui pourtant refusait jusqu’alors d’admettre son existence. Nos maîtres nous font remarquer que le monde a été créé par dix paroles au même titre que la Torah sera donnée par dix paroles. La différence qui oppose ces deux phénomènes si déterminants dans la constitution du monde, se situe dans le terme employé par la Torah pour désigner ces types de paroles.
La première est appelée Maamar (du mot omer) alors qu’au m’ont sinaï il est question de Dibour (du mot daber). Le premier indique un propos qui reste à définir, comme une notion exprimant un potentiel inouï mais contenu, qui laisse à l’homme l’illusion d’une liberté infinie. L’humanité jusqu’au don de la Torah se comportera de manière quelque peu aléatoire. De la faute d’Adam jusqu’à la génération de la tour de Babel en passant par la tragédie de Kaïn et Abel et le drame du déluge, on découvre que l’homme a du mal à se réaliser, à se situer dans son rôle et à gérer la liberté que le monde lui propose.
Le don de la Torah apportera par le Dibour un message beaucoup plus structuré et défini. Il permettra à l’homme de prendre conscience de ses capacités à travers des règles lui permettant de se redéfinir. HaShem occupe dorénavant un espace clairement exprimé. Dans l’interdiction du deuxième commandement, on nous invite à admettre que le mal (l’idolâtrie) existe en tant que tel et doit donc être proscrit. Ce changement n’a cependant été possible que par les dix plaies qui vont agir comme un décodeur pour passer de Maamar à Dibour. L’intrusion de la présence d’Hashem dans les lois de la nature va conduire le monde entier à s’interroger sur le sens de l’existence par rapport à celle d’HaShem. L’illusion d’une réalité autonome et indépendante de D… disparaît pour laisser la place à celle dépendante de Lui obligeant l’homme à prendre position vis à vis de la Torah. La liberté demeure mais dans le cadre d’une ordonnance confrontant l’individu à la dimension de lui même que la Torah lui propose. Faire ou ne pas faire, respecter ou pas, il choisira désormais en tenant compte de ce potentiel qui est le sien et des implications de chacun de ses choix.
La sortie d’Égypte represente un changement dans la parole exprimée par Hashem invitant l’homme à comprendre que la liberté dépende de parole. Mais être libre ne signifie plus le droit à la parole mais la valeur de la parole. Être conscient que chacune permet soit la réalisation de soi ou d’autrui, ou au contraire une dégradation paraissant anodine mais pouvant conduire à l’échec des sociétés. La valeur de cette parole s’appelle Dibour.
Shabbat shalom
Rav Yakov SITRUK