Ki Tetse 5777
Le mois de Elloul est souvent reconnu par sa proximité avec les fêtes de Tichri. S’il est vrai qu’il permet de se préparer à ces événements tellement importants, il faut noter tout de même qu’il incarne une dimension qui lui est propre.
Comme tous les mois de l’année, il correspond à l’une des douze tribus : celle de Gad. Premier fils de Bilah, servante de Léa, il se verra attribuer le titre de Beh’or – aîné – par Moshé au moment des Bérah’ot qu’il prononcera aux tribus d’Israël, avant de quitter ce monde. Il le définira en employant le mot Réshit – début. Le détenteur naturel de ce statut est évidement Réouven qui sera le premier enfant de Yaacov et de Léa. Au moment où le peuple juif s’apprête à rentrer en terre d’Israël, ces deux frères (Réouven et Gad) vont trouver Moshé afin de lui demander l’autorisation de s’installer définitivement de l’autre côté de la frontière sur la rive oriental du Jourdain. On peut se demander quel fût à ce moment le sentiment de Moshé Rabénou. Lui qui ne rêvait que de franchir cette frontière, celui qui a tant prié pour accéder à cette terre qui lui aurait permis d’accomplir les Mitsvoth qui lui sont liées. Voilà pourtant qu’il accepte et sous réserve d’une condition plus que légitime ils pourront s’installer hors de la terre d’Israël.
Il existe un lien intéressant entre Erets Israël et le mois Elloul. En effet, dans la Parasha de Ekev, la Torah nous rapporte le rapport qui unît HaShem et la terre d’Israël. Il y est notamment précisé que les ‘’yeux’’ d’Hashem reposent sur elle du début de l’année (méréshith hashana) jusqu’à un moment que le verset décrit comme un temps qui suit l’année (ah’arith shana). Les commentateurs se demandent pourquoi la Torah n’a-t-elle pas dit jusqu’à la fin (sof) de l’année ? Il semblerait que cette étape ne doit pas exister dans notre calendrier. Le début est un moment exceptionnel, chargé d’une énergie égale à la volonté de chacun de tout faire pour réussir. C’est le temps de toutes les résolutions, de tous les espoirs, celui des opportunités. On pourrait imaginer que le temps passant, on s’éloigne doucement mais sûrement de ce début si prometteur. Cela voudrait dire que l’année comprend un début – proximité de tout cela, et une fin – moment le plus éloigné du début. Qu’en serait-il alors du dernier mois de l’année ? Celui ou l’homme a le moins de chance de d’envisager un nouveau départ ? Ou peut être celui du rattrapage dans l’urgence voire la panique ?
Serait-il possible de considérer plutôt le mois de Elloul comme une possibilité de conserver intact l’éclat du début de l’année. Une étape de confirmation plutôt que de résignation. La possibilité d’être un Réshit tout en étant le douzième mois. Cette dimension correspond justement au personnage de Gad. A la veille de l’entrée en Erets Israël, le peuple juif courrait un risque : celui de voir disparaître pour toujours l’engouement du premier jour. Il risquait un jour de s’habituer au privilège de vivre en Israël. De s’éloigner du Réshit de cette incroyable expérience. Les tribus de Réouven et Gad proposent alors à Moshé Rabénou la possibilité de garder cette saveur intacte. De poursuivre le moment du Réshit. Celui dans le quel l’expérience n’a pas tout à fait commencer alors qu’on y est déjà. Peut être donneraient-ils un sens au fait que Moshé va lui-même rester de ce côté de la frontière. Serait-ce l’explication de la suite de la Bérah’a qu’il donne à Gad en évoquant la parcelle (h’élkat) qu’il habitera ? Toujours est-il que le mois de Elloul sera pour nous une étape test. Serons-nous capable de vivre ce mois avec la même force que Tichri. Il ne serait plus le dernier mais une phase dans le déroulement d’un long Réshit. Si cela est possible, il ne fait aucun doute que nous serons avec l’aide d’Hashem prêts pour les Yamim Noraïm.
Shabbat shalom
Rav Yakov SITRUK