Vayeshev 5778
Rachi dans son commentaire sur la Thora nous dit à propos du Shéma: « si le peuple juif n’avait de mérite autre que celui du Shéma, il aurait suffit à le sauver ».
Il nous faut comprendre comment dans un même texte, la Thora nous parle de l’amour que l’on se doit de porter à D…, de l’attachement qui nous lie à lui et paradoxalement nous rappelle le devoir des Mitsvoth et du ‘’joug céleste’’.
Amour et devoir sont-ils compatibles ? Attachement et joug ne sont-ils pas antinomiques ? Comment concilier ces deux paramètres tellement différents?
Raban Gamliel dans les Pirké Avot (chapitre 2 Michna 4) nous incitait à : »annuler notre volonté face à celle de D…pour qu’Il annule sa volonté face à la notre ».
Le message qui apparaît dans ses propos, est de nature à encourager l’homme à ne pas agir selon sa volonté, parce que sa volonté le lui a indiqué. La Thora attend du juif que son désir soit : la volonté de D… . J’accompli une Mitsvah parce que ה’ me l’a demandé.
Le Shéma disait : « Tu aimeras D… « . Mais, disent nos maîtres, pas parce que cela est un plaisir. Même pour celui qui « aime aimer ».
Le Rabbi de Louvlin enseignait à ses élèves que pour qu’une prière soit entendue par D…, il ne faut pas qu’elle ne soit que l’expression d’une souffrance de laquelle nous voudrions être sauvés. C’est pour D… que je dois prier et non pas pour ma souffrance.
La Guémara de Sanhédrin page 46 précise que face à une requête émanant de l’homme, les anges accusateurs rétorquent en rapportant ses méfaits. Une question se pose alors: Mérite t-il d’être exaucé?
Qui dans ces conditions peut se permettre de prendre le risque d’une telle confrontation. Alors les Maîtres du Talmud nous rappellent que lorsqu’un homme souffre, la Shéh’ina (présence d’Hashem) partage cette souffrance. Voici un argument contre lequel les anges ne peuvent rien. Eux non plus ne veulent pas voir la Shéh’ina souffrir.
Le Shéma nous invite alors à accepter le joug céleste et d’assumer le devoir des Mitsvoth. Ceci est un objectif. Aimer ה’fait partie de mes devoirs. Les moyens que l’on pourra utiliser pour y parvenir seront l’amour et l’attachement à l’égard de D… .
Le chemin inverse est également une possibilité. Le sentiment de responsabilité et l’engagement peuvent aussi mener à l’amour et l’attachement. Selon cette réflexion, les deux notions qui nous paraissaient paradoxales sont en fait complémentaires dans l’évolution de la fidélité d’un juif à l’égard d’Hashem.
Quelques soient les combats de l’homme, il est des moments dans lesquels son idéal et son attachement le motivent, et d’autres situations dans lesquelles son engagement et sa responsabilité prennent le relais.
En observant le comportement des frères de Yossef, on est interpelé par le paradoxe de leurs décisions. On y décèle de la jalousie, de la haine, de l’ironie, ainsi qu’un terrible sentiment se responsabilité et de culpabilité. Ils vont réunir un Beth Din (tribunal conforme aux lois d’Hashem) pour décider du sort de leur jeune frère.
Nul doute que cette décision difficile fera polémique aussi bien au sein de leur famille que tout au long de l’histoire, mais l’enseignement est clair : une telle démarche n’est possible que si les deux notions d’engagement et de sentiment sont enchevêtrées et emmêlées.
Il ne nous appartient pas de juger mais de comprendre que les deux sont nécessaires.
Rav Yakov Sitruk