Pinhas 5778
Il convient d’abord de rappeler ce que signifie l’absence du Beth Hamikdash.
Il ne s’agit nullement de pleurer un édifice, un lieu.
Le Beth Hamikdash c’était : le Sanhédrin, la avoda, le culte des Cohanim, et en un mot la centralité spirituelle de Jérusalem pour le peuple d’Israël et pour le monde entier. Ce lieu servait également d’expiation pour toutes les nations du monde. Il était le symbole de la primauté spirituelle d’Israël.
Peut-on donc ressentir ce manque dans le monde d’aujourd’hui, consumériste et basé d’abord et avant tout sur le profit maximum et la jouissance à tout prix.
Je dirais : oui, et même, c’est plus facile ainsi. Car, en effet, la course effrénée vers la matière et le plaisir donne à l’homme, après un éphémère moment de plaisir, un sentiment de vide intérieur incontestable.
Je comparerais cette situation à celle d’une bougie qui brûle : la flamme dévore le combustible ; L’homme est ainsi « dévoré » par son propre plaisir. Il constate, qu’après la jouissance, il n’y a plus rien.
Voilà pourquoi il y a un besoin impératif, après ce vide tragique, de donner un sens à la vie et donc de retrouver toutes les symboliques du Beth Hamikdash. Et, c’est lorsque le peuple juif en sera pleinement conscient que sa reconstruction deviendra effective.
2/- Comment réparer la faute de la haine gratuite ? Bien sûr, par un amour gratuit.
Approfondissons quelque peu cette dimension.
Pour l’expliquer, je choisirais d’abord un exemple de la Torah qui, lors de l’énumération des espèces non-cacher, au sujet des volatiles, nous dit que la cigogne n’est pas casher.
Question : pourtant la cigogne s’appelle « H’assida » : celle qui aime, l’aimante. Surprenant non ?
Réponse de nos Sages : elle n‘est pas cacher car elle n’aime que celles qui lui ressemblent : « ossa h’essed im h’évrotéha ». En fait, les hommes aiment tous ceux qui leur ressemblent, leurs amis, leurs semblables, au sens littéral du terme.
L’amour, dont nous parlons, est celui qui consisterait à aimer tout le monde. Est-ce possible ?
Là encore, la tradition nous donne la réponse. Nous lisons en effet dans la Masseh’eth Dereh’ Eretz Zouta, dans le Talmud : « im rotsé ata léhéhov èth h’avéréréh’a, évé nossé vénotène avouro », « si tu veux aimer ton prochain, fais lui du bien ».
Vient donc ce grand théorème : on croit généralement que l’on donne à ceux que l’on aime… C’est faux dit la tradition juive: on aime ceux à qui l’on a donné. La solution est donc là.
Donner c’est aimer.
On constate autour de nous que beaucoup de personnes s’attachent par exemple à leur synagogue, en disant : « c’est ma synagogue », parce qu’ils ont fait un don, contribuer à sa construction ou à son entretien. Un agriculteur aime son champ car il lui a couté du travail. Le Rav Dessler dit : les mamans aiment leurs enfants car ils leur ont couté des nuits blanches, des soucis, elles les ont allaités, conduits chez le médecin, elles les ont suivis en classe.
Tout ce dévouement provoque donc un attachement qui est l’amour.
Si l’on veut réussir, dans le peuple juif, à revenir à un amour gratuit, et par là, à s’éloigner de cette haine qui a provoqué la destruction du temple, mettons en place une « stratégie du Hessed », en inculquant dés le jeune âge le don de soi pour les autres.
Même quand l’on a soi-même des soucis, penser aux autres, c’est alléger sa souffrance, c’est oublier ses petits problèmes.
Souvenons-nous de cette phrase de la Guemara de Soucca qui dit : « toutes les générations qui n’ont pas vu la reconstruction du temple auraient mérité sa destruction ». Ce qui veut dire que nous ne sommes toujours pas guéris de cette maladie de la haine gratuite.
Il est urgent de se mettre au travail. Pour cela, tachons de découvrir chez l’autre des côhtés positifs qui nous pousseront à l’aimer. Et surtout, quel qu’il soit, apportons lui quelque chose, on le prendra tout de suite en sympathie, on apprendra à l’aimer, à trouver par là notre propre bonheur et un jour très proche le Beth Hamikdash sera reconstruit bimhèra béyaménou. Amen
Shabbat shalom
Rav Yakov Sitruk