Ki Tetse 5778
A l’approche de Rosh Hashana, chacun d’entre nous est appelé à se préparer au Yom HaDin, au Jour du Jugement. Ce jour de jugement que HaShem effectuera avec rahaminm avec miséricorde. Mais, il n’empêche que c’est devant le Créateur lui-même, avec qui il ne saurait y avoir de faux-fuyant ni de tromperies, que nous allons tous défiler, comme le dit le texte si beau de la téfila « kivné marom », comme un troupeau qui défile devant le berger qui doit les compter un à un, chacun d’entre nous, et les juger.
Voilà pourquoi les Sages ont toujours dit, à l’approche de Rosh Hashana : « nah’péssa dérarah’énou vénah’pora », examinons, scrutons nos actions.
C’est donc le moment d’une remise en question à laquelle nous sommes conviés. L’homme, qui est déjà dans la Torah, peut se fonder sur ses certitudes, en estimant et en proclamant d’ailleurs qu’il est « religieux », que voulez-vous que je fasse de plus ? Je me rends à la synagogue tous les jours, je suis des cours de Torah, je mange cacher, je respecte le shabbat…
Sommes-nous si sûrs que cela d’accomplir la volonté de D. ?
Pour, peut-être, nous aider à nous questionner, voici quelques exemples :
Dans la vie de nos patriarches, je citerais juste l’exemple de Yaacov, dans la Genèse (chap 32, verset 8), où le texte écrit : « vayira Yaacov méod vayétser lo », « et Jacob fut très effrayé et il fut angoissé ».
Le Rabbi Abraham iben Ezra, notamment, se demande pourquoi était-il si inquiet ? En effet, D. lui a garanti qu’Il le protégerait, comme il est dit précédemment : « vehèhèyé imah’ », « Je serais avec toi ». En fait, Yaacov se demandait : peut-être ai-je fauté, peut-être que je ne mérite plus cette promesse divine qu’Il m’a faite d’être toujours à mes cotés. Ce doute, dans lequel Yaacov avinou était plongé, est l’expression même de ce que je veux ici signifier.
A présent, voyons quelques exemples dans la littérature talmudique :
Tout le monde a entendu parler de Rabbi Yoh’anan Ben Zakai, grand parmi les grands. Pourtant, la Guemara de Bérah’oth p28, nous raconte ses derniers instants en précisant qu’il pleurait. Devant l’étonnement de ses élèves, qui lui demandaient les raisons de ses pleurs, il répondit ainsi : « je vais me présenter devant le Juge, Maître du monde, roi des rois, incorruptible, infaillible, et je vois devant moi deux chemins : l’un qui mène au Gan Eden, jardin d’Eden ou paradis, et l’autre qui mène au Guéinam. Et je ne sais vers lequel on va me conduire. Voilà la raison de mes larmes ».
Imaginons donc ce rav, qui toute sa vie, a enseigné la Torah, a guidé le peuple d’Israël, a professé et incarné les valeurs et les mitsvoth, qui le jour de sa mort se demandait, non pas s’il serait assis au premier rang ni au dixième, mais si carrément on n’allait pas le conduire au Guéinam. Autre exemple, celui de Rabbi Yanaï, autre grand maître du Talmud, qui dit à ses enfants, avant sa mort : « enterrez moi avec un linceul gris, car je ne sais si je serais au Guéinam ou au Gan Eden , et je ne veux pas être au Guéinam, vêtu de blanc, comme un h’atan au milieu des endeuillés, ou au gan Eden, comme un endeuillé au milieu des h’atanim. Or, je n’en sais rien».
Alors, je nous pose à nous tous une question :
Comment savoir, puisque ces grands maîtres et patriarches s’interrogeaient eux-mêmes pour savoir s’ils étaient dans le droit chemin ? Comment pouvons-nous avoir un indice ? La réponse nous est donnée dans la Guémara de Sanhédrin, où l’on voit que finalement dans ce monde, la Torah exprime la notion de « Yachar », et ce dans 3 domaines. Il est dit de D. dans Dévarim chap. 32 : « Tsadik véyachar Hou », « Il est juste et droit »;
La Torah elle-même, dans les psaumes, est appelée : « Pikoudé Hachem yécharim », « les préceptes de D. sont droits » ; Et enfin le prophète Jérémie dans les lamentations dit : « acher assa éth haadam yachar », « D. qui a créé l’homme droit ». Nous voyons donc que D. est droit, la Torah est droite et l’Homme est droit. Il suffit de les placer tous sur la même ligne. ,En d’autres termes, ce qui est suggéré ici, c’est de nous demander d’éviter les contradictions dans notre vie religieuse, d’aller dans un chemin de rectitude, comme l’a d’ailleurs appelé le fameux Rabbi Moché Haïm Loutsato: « Messilath Yécharim », « le sentier des droits (justes) ».
Emprunter ce sentier, c’est essayer d’être honnête, dans tous les compartiments de sa vie avec D. et avec les hommes. Le deuxième indice est, que dans la mesure où nous constatons que notre piété provoque des désagréments autour de nous, il nous faut nous demander si nous sommes toujours conformes à l’image de D. En effet, il est dit dans les Psaumes : « derah’éa derahé noam, véhol nétivotéha chalom », « les chemins de la Torah sont tous agréables et tous ses sentiers conduisent à la paix ». Dès que l’on est loin de la paix dans la société et loin de l’agrément avec les autres, c’est que l’on a, peut-être, déjà quitté le sentier de la Torah.
Enfin, la Guemara de Yoma (86) nous donne une très belle lecture du fameux verset : « véhahaveta éth Hachem Eloquéh’a », « Tu aimeras l’Eternel ton D. ». La Guemara dit : « chéyiheyé chèm chamayim miteahèv al yadéh’a », « fais en sortes que le nom de D. soit aimé par ton intermédiaire, et grâce à toi ». En d’autres termes, que les gens, en constatant notre comportement, en viennent à aimer D.
Pour terminer, une petite histoire :
On raconte, toujours dans la Guemara, qu’un jour une reine non juive avait perdu un bijou auquel elle tenait énormément. Elle a fait publier dans tout son royaume des affiches indiquant, que toute personne qui lui ramènerait le bijou dans les 30 jours se verrait attribuer une très grande récompense, et elle a ajouté que celui qui le ramènerait passé ce délai serait puni de mort. Le lendemain du jour où elle publia ces affiches, un rav trouva le bijou. Il le garda de par devers lui 31 jours durant, et le 31ème il le ramena à la reine. D’abord toute heureuse de retrouver son bijou, elle demanda par la suite au rabbin : Mais, quand as-tu trouvé cet objet ? Et celui-ci de répondre : cela fait 31 jours. La reine questionna alors : mais n’as-tu pas lu les affiches ? Pourquoi me le ramener seulement maintenant ? Alors le Rabbin lui répondit : Pour que tu saches, ma reine, que je ne t’ai pas rapporté ce bijou parce que je te crains, mais parce que je crains l’Eternel, qui nous a demandé de restituer un objet perdu à son propriétaire. La reine, au lieu de punir le rabbin, s’extasia et lui demanda : Qui es-tu ? Quel est ton peuple ? Et qui est ton D. ?
Ce rav a accompli ce que l’on appelle un « Kidouch Hachem ».
Voilà comment nous devrions tous nous positionner, par rapport à nos frères et par rapport au monde tout entier. Et là, effectivement nous sommes dans le dereh’ Hachem. C’est ce que je voudrais souhaiter à l’approche de ce Rosh hashana pour chacun d’entre nous.
Rav Yossef H’aïm sitruk zatsa »l