Shemot 5779
Nous abordons cette semaine, dans toutes les synagogues du monde, le deuxième Livre de la Torah : Chemoth, l’exode. Ce dernier va nous raconter notamment l’histoire du peuple d’Israël en Egypte.
Durant l’esclavage égyptien, les mesures prises par Pharaon visait bien sûr à empêcher le peuple juif de se développer. Mais c’est l’inverse qui va se produire.
Pharaon s’adressa aux deux « sages femmes ». Nous devrions dire « femmes sages », puisque l’on appelle en hébreu la femme qui aide les autres à accoucher, une femme sage, une « h’ah’ama ». (Notons que le mot utilisé par la Torah est « méyalédeth » qui forme les mêmes lettres que « talmid » : élève).
De là découle l’interprétation qu’il est possible de donner : la méyalédeth est celle qui voit la première l’enfant, avant même sa maman. Or, dans la Michna de Pirké Avoth, il est écrit : « Ezéhou hah’ah’am ? haroé eth hanolad », « qui est l’homme sage ? Celui qui voit ce qui va arriver », évidemment sur le plan symbolique.
Donc, ces deux sages femmes qui sont les interlocutrices de Pharaon se nomment Shifra et Poua. Nous avons qu’il s’agit de Yohéved, la mère de Moshé Rabénou et de Myriam, sa sœur. Si la Torah ne les désigne pas par leur prénom mais par un surnom, c’est pour nous indiquer qu’elles avaient chacune une fonction différente.
Shifra, vient d’un mot hébraïque « chefer », qui veut dire rendre beau. Ainsi, le rôle de la première était de « rendre l’enfant beau ». Afin qu’il propre, agréable, parfumé avant de le montrer à sa maman, pour que celle-ci ait encore plus de plaisir à l’accueillir. La deuxième quand à elle, Poua, terme qui vient d’une racine signifiant parler « poha », elle avait pour rôle de parler dans l’oreille de l’enfant comme pour le rassurer, mais peut-être aussi pour lui faire passer un message.
Nous pouvons en tirer une belle leçon. La façon de « mettre au monde » les enfants Israël, est de concilier ces deux exigences. L’une qui est la beauté : Shifra, l’autre qui est le message, la vérité : Poua. Un juif, est quelqu’un qui tente de concilier deux exigences souvent contradictoires : l’esthétique et la vérité.
Or, dans le monde, ce qui est beau est rarement vrai. De même, nous pouvons constater que ce qui est vrai ne prend pas toujours le temps d’être beau. Etre juif, c’est montrer au monde que ce qui est vrai doit être beau.
La Torah reviendra à plusieurs reprises sur cette idée. Notamment au moment de la traversée de la Mer Rouge, où il est dit : « Zé Eli véanévéhou », « Il est mon D. et je veux le rendre beau ». Le Talmud, dans la Guémara Shabbat, interprète ainsi le fait d’acquérir « un beau Loulav », « un beau talith », de construire « une belle Souccah ». En un mot, de rendre la Mitsvah belle.
Il me semble que cette idée est nécessaire afin de ne pas assimiler la Mitsvah à un parent pauvre. La Mitsvah doit être anoblie, rendue agréable, belle, pour inspirer aux autres l’envie de la faire à leur tour.
Peut-être devrions nous éduquer la jeunesse d’aujourd’hui, en lui montrant que la beauté doit être une partie intégrante de la vérité.
Ce sont deux attributs donnés par D. que le peuple juif a le devoir de transmettre.
Shabbat Shalom
Rav Yakov Sitruk