Terouma 5779
Mais pourquoi compare-t-on Adar à Av ?
La Guémara dans un texte bien connu, nous apprend que dès que le mois de Adar démarre, nous devons faire augmenter la joie. On y fait un parallèle avec celui de Av : de même qu’en Av la joie diminue, ainsi en Adar la joie augmente.
En y regardant de plus près, on est en droit de s’interroger sur le bien-fondé de cette comparaison. En effet, lorsque la joie va crescendo, il s’agit bien de joie, mais lorsqu’elle baisse, cela devient de la tristesse. Ces deux attitudes sont elles liées ou indépendantes ? On ne peut confronter deux notions qui n’ont pas de rapport !
Réfléchissons sur les raisons pour lesquelles le mois de Adar est lié à la joie. On a tendance à penser que le dénouement inattendu et miraculeux de l’histoire de Pourim en est la seule cause. Il y a lieu de préciser que cet aspect des choses est plutôt à l’origine du rire. Ce qui fait rire, c’est le côté surprenant d’une situation. La blague amuse quand sa chute est imprévisible. Le caractère incongru d’une chose provoque l’hilarité, qu’il soit inoffensif ou au dépend d’autrui. Il est recommandé à pourim de rire. On fera évidement attention de rire de ce qui est positif, sans se moquer, tomber dans la vulgarité ou la grossièreté. Comme disait mon père zatsa’’l, il faut être Mah’mir (rigoureux) à propos du rire.
Mais la joie, c’est une autre dimension. Une autre expérience. Les propos de la Guémara de Taanit 26. cités plus hauts, sont ils un conseil, un constat ou un ordre ? La joie de Adar est en fait ‘’recommandée’’ par nos maîtres. Il FAUT tout faire pour être joyeux en Adar, et tout faire pour être moins joyeux en Av.
Notre maître, Rav Shapira zatsa’’l expliquait, que l’on commet souvent l’erreur d’être heureux quand tout va bien et triste lorsque h’’v (‘has vechalom) les nouvelles ne sont pas bonnes. En fait, le risque pour celui qui considère que les choses fonctionnent comme il veut, c’est de ne pas réaliser qu’il a besoin d’HaShem. Il faut avouer que l’on se tourne vers lui surtout quand on ressent un manque ou une angoisse. Mais le libre arbitre qu’HaShem a fait cadeau à l’homme, implique qu’il nous vient en d’aide que si on le lui demande. HaShem ne s’impose jamais.
Reprenons l’histoire de ces deux mois. En Adar, tout va bien. Nos problèmes dont réglés, notre avenir est serein, les soucis sont oubliés. Danger ! Tout va bien, mais cela va-t-il durer ? Le risque que court le peuple d’Israël est grand quand les hommes ont le sentiment de maîtriser la situation. Attention de ne pas oublier la place d’HaShem. Car dans ce cas l’angoisse pourrait apparaître et remplacer la joie. Ce risque est tellement réel, que nos H’ah’amim nous rappellent qu’il FAUT se réjouir. On doit vivre ce mois avec l’intensité qui lui convient. Le seul moyen dont on dispose est la joie. Sentiment le plus fort que l’homme peut vivre. De même en Av. On pourrait imaginer des juifs se dire que la situation étant sans issue à la portée de l’homme, HaShem va donc intervenir avec une solution. C’est vrai qu’il ne se détourne et n’abandonne jamais celui qui met en lui tous ses espoirs. La conviction serait tellement profonde, que la joie prendrait la place du désespoir. Cette attitude ne pourrait qu’être louable. Mais il est des situations dans lesquelles on n’a pas le droit de ne pas vivre les événements tel qu’ils sont. En Av, il NE FAUT PAS être joyeux. Le temps est à la réflexion et l’introspection.
Mais pour l’instant, nous sommes en Adar ! Le mois au cours duquel tout s’arrange, tout va (aller) bien, et ça va durer !
A une condition : soyons dans la joie !
Shabbat Shalom
Rav Yakov Sitruk