Vayakhel 5779
On est inquiets, abasourdis voire choqués !
De nouveau, les images de la haine ressurgissent et, le peuple juif est à nouveau l’objet de tous les débats. D’un côté, ceux qui nous attaquent, de l’autre, ceux qui tentent avec une certaine maladresse de prendre notre défense. Certains diront que les uns nous inquiètent tandis que les autres nous angoissent.
Mais la vraie question qui nous perturbe, c’est pourquoi en Adar ? On nous avait pourtant affirmé que ce serait un mois de joie, de victoire et d’allégresse. Notre Maître le Ari za’’l dit par exemple que le rire est associé à la dimension de ce mois magique. Le Shoulh’an Arouh’ tranche, que c’est le meilleur moment pour un juif de régler ses différents avec un non-juif. Il s’agit donc d’une période prometteuse. D’où notre étonnement de constater la recrudescence actuelle des sentiments négatifs à notre encontre, et ce, à travers le monde.
A l’origine de cet enseignement, un texte de la Guémara de Taanit (29.) nous apprend que de la même manière que lorsque le mois de Av arrive la joie diminue, ainsi lorsque le mois de Adar débute la joie va en augmentant. Les commentateurs s’interrogent sur le bien-fondé de cette comparaison. Quel rapport entre Av et sa tristesse, et Adar qui est synonyme de joie ?
Pour comprendre cela, il nous faut clarifier le rapport entre la joie et le rire. On ne rit pas seulement quand on est joyeux, et le rire n’exprime pas forcement la joie. Il est juste la preuve que la joie existe en nous. Le rav Moshé Shapira zatsa’’l disait qu’une personne qui n’a aucune joie ne peut jamais rire. Mais heureusement, quels que soient les circonstances de la vie, la joie ne quitte (presque) jamais totalement l’individu. On pourrait éventuellement condamner certains de nos ennemis tel que le nazis (y’’s) d’avoir volé définitivement aux rescapés de leur barbarie, la joie qui était la leur.
Ce qui déclenche le rire, c’est l’effet de surprise que provoque une situation ou une histoire. Pour amuser un auditoire avec une blague, il est impératif de dissimuler la chute jusqu’à la fin, pour surprendre. La plus grande joie possible sera une excellente nouvelle qui est également inattendue. Mieux, qui semblait impossible. Par exemple, la naissance d’Itzhak. Plus personne n’y croyait, cela relevait de l’impensable et invraisemblable. Ou encore, le miracle de Pourim. Qui pouvait imaginer une telle issue ?
Le paradoxe que nous tentons d’expliquer, nous fait penser que plus une situation semble désespérée, plus elle est porteuse de joie et de rire. Attention de bien définir la notion de désespérance. Lorsqu’une personne entrevoit une solution à sa portée, elle se prive donc de la surprise éventuelle réservée à l’imprévisible. Par contre, lorsque la solution ne semble pas humaine, l’impossible trouve sa place. Revenons à présent sur le mois de Av. Il s’y passe selon l’avis de tous les H’ah’amim, la plus grande tragédie de l’histoire d’Israël. Aucun espoir n’est permis, aucun dénouement ne semble réaliste. Il ne reste donc que la confiance en HaShem pour ne pas baisser les bras et envisager qu’il nous sauve. Dans cette période dédiée à la réflexion et l’introspection, nos Maîtres nous mettent en garde. L’heure n’est pas aux spéculations optimistes, mais à la remise en question et la Téshouva. Voilà pourquoi la joie doit diminuer. C’est une Halakha et non un simple constat.
En revanche, pendant Adar, période de notre histoire ou HaShem a décidé d’inverser le sens des événements, la Halakha est différente. On DOIT se réjouir. En Adar, nul n’a jamais promis que tout serait facile. On est assuré par contre que tout finira par s’arranger avec l’aide d’HaShem. La joie n’est donc pas une fatalité soumise aux événements mais une démarche provenant de la volonté de chacun.
Les événements semblent parfois alarmants, mais la joie de Adar et la confiance en Hashem sont la plus belle expression de notre force de pensée positive à l’égard de la vie et des expériences qu’elle nous réservent.
Shabbat Shalom
Rav Yakov Sitruk