Beḥoukotaï 5779
La période de deuil que nous prescrit la halakha touche à sa fin, pour les communautés séfarades du moins. Il est bien connu que les élèves de Rabbi Akiva sont morts pendant les 32 premiers jours du Omer. Nos maîtres expliquent que la raison de cette tragédie provient du manque de respect dans leurs relations. Il est vrai que ce manquement à la règle fondamentale des rapports humains est grave et répréhensible. Il nous faut cependant comprendre pourquoi cela a-t-il entrainé la mort de ces 24000 hommes. Il est des fautes que la Thora sanctionne avec sévérité. Mais est-il mentionné que le manque de respect est punissable de la peine capitale ?
A propos de leur maître, la Guémara raconte qu’il savait notamment déchiffrer les petites couronnes qui sont dessinées sur les lettres du Sefer Thora. Ces dessins sont des rajouts à chaque lettre pour signifier qu’au-delà de ce qu’elle exprime, elle est rattachée à une dimension qui lui est supérieur. Elle énonce une chose, tout en suggérant beaucoup plus. Les éléments qui nous entourent incarnent également cette notion. Une expérience, une personne, un enseignement ou tout autre facteur évocateur est dépassé par son propre message à travers ce qu’il laisse imaginer. On a souvent tendance à ne respecter que ceux qui suscitent le respect de façon concrète. Si une personne est puissante ou honorable, elle sera considérée naturellement. Aucun mérite. Une personne ‘’simple’’ au contraire ne sera perçue qu’à hauteur de ce que l’on voit. Quelqu’un nous contrarie, et on occulte ce qu’il est.
Aucune chose ne peut en fait révéler clairement tout ce qu’elle est. Il faut, pour comprendre et assimiler, prendre en compte ce qui est relié et parfois invisible. Donc, pour respecter autrui une seule possibilité : ne pas perdre de vue ce que la personne représente au-delà de ce que l’on perçoit. La proximité que j’entretiens avec certains ne change rien à cette règle. Elle reste immuable et invariable.
Qui étaient les élèves de Rabbi Akiva ? Certainement pas des hommes vulgaires et méprisants. Plutôt des maîtres de Thora qui en discutant de Limoud pouvaient parfois omettre de prendre en considération l’avis de l’autre. Cette attitude nous fait oublier ce qu’est l’autre en dehors d’un débat qui nous oppose.
Donc, manquer de respect, c’est diminuer ou restreindre l’existence d’autrui à la perception d’un moment précis. C’est l’essence même de la vie qui est remis en question. D’où une telle gravité ! Leur maître incarnait par son enseignement l’antithèse de ce comportement. Personne d’autre ne sera sanctionné comme ces hommes hors du commun. Cependant la leçon nous concerne tous : attention de ne jamais perdre de vue ce que l’autre représente bien au-delà de ce que je sais je vois ou je devine.
Shabbat shalom
Rav Yakov Sitruk