TSAV 5780
Nous voici donc à la veille de Pessah.
Nous allons réciter dans la prière, que ce soit en communauté ou individuellement, l’expression qui trouve tout son sens dans cette fête de Pessah’. »Zman H’érouténou »: le temps de la Liberté.
Nos maîtres nous expliquent que dans la création du monde, l’élément qui s’appelle le temps, celui qui précède toutes les autres créatures, va avoir une importance particulière. Il n’est pas seulement le support de ce qu’il contient, il est également le vecteur de toutes les influences. En d’autres termes, le temps que nous traversons est porteur des valeurs nous permettant de vivre les événements. Le peuple juif a été libéré d’Égypte précisément à cette date. Il ne s’agit évidemment pas d’un hasard du calendrier. C’est justement parce que Nissan »contient » la dimension de la Liberté. Il pourrait sembler curieux de parler de temps et de liberté en ce moment. En effet, ces notions nous semblent quelques peu flou en cette période. Nous sommes premièrement confinés et donc, privés de tout mouvement, ce qui symbolise pourtant la base de la Liberté. Par ailleurs les repères qui nous permettent de donner au temps la valeur qu’il mérite, nous échappent. C’est pour ces raisons qu’il me semble approprié d’expliquer le sens de cette liberté.
Est ce qu’être libre signifie obligatoirement pouvoir franchir des frontières imposées ? Peut-on priver une personne de sa liberté en la confinant dans un espace fermé ? Il est intéressant de s’interroger également sur la valeur du temps. Etre riche en temps signifie-t-il en disposer à profusion ? Tous les H’ah’amim vont nous expliquer que la liberté de Pessah est d’ordre spirituel. Il nous faut comprendre qu’elle est indépendante des conditions matérielles ou physiques. D’illustres personnages ont dans l’histoire proclamé que même en les enfermant on ne pouvait les priver de leur liberté. Que l’évasion intellectuelle ou idéologique leur appartenait en toutes circonstances.
L’idée que nous propose la Thora consiste à découvrir la liberté qui émane de nous même. Elle n’est pas un cadeau que d’autres peuvent nous offrir, mais une expérience que nous pouvons décider de vivre. Si elle donne l’impression d’être facile d’accès quand on est libre de ses mouvements, attention de ne pas se méprendre. Se sentir libre dans des conditions optimum est facile, mais ce n’est pas le résultat d’une démarche. Ce n’est donc pas une situation réelle mais une liberté dépendante des conditions. C’est la cause majeure de sa fragilité. Ainsi, concernant le temps, il n’est pas un élément qui nous est donné avec sa définition. Il reste un moyen dénué de valeur, que l’homme va devoir définir. Mon temps m’appartient tant que je lui donne sa vraie fonction. Ce n’est pas la quantité qui compte mais ce que j’en fais. En période de confinement, on peut »perdre » du temps, mais il est aussi possible d’en gagner. Certains vont l’exploiter, d’autres, tout faire pour qu’il passe. Finalement, la vraie liberté dépend de ma façon de m’approprier les circonstances. Elles sont miennes quand elles me permettent de devenir ce que je décide. Sortir ou rester »enfermé », courir après le temps ou le trouver très long, la liberté ne dépend plus de cela. Elle est une force que je trouve en moi, en étant moi même.
Alors en effet, le Pessah de cette année sera la fête de la liberté. En étant beaucoup plus difficile à vivre que celui d’autres années, il restera le moment de nous redéfinir dans l’indépendance totale des conditions et des circonstances. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il y aura un avant et un après. Nul ne peut savoir ce que sera le monde, chacun peut décider des changements qui lui sont propres.
N’oublions surtout pas de tout faire pour nous préserver nos vies et celles des autres en respectant scrupuleusement les consignes. S’en sortir sans sortir, en rentrant un peu plus en nous mêmes.
Shabbath shalom
Hag Sameah. Bonne santé et de bonnes nouvelles pour tout le monde
Rav Yakov Sitruk